Le 25 janvier dernier, la Colloc, en partenariat avec le CJD Lorient, Vénétis et le Collectif Sowow organisait une nouvelle édition de l’événement “Mon Entreprise, Quel impact ?”. Une journée dédiée à la transformation des organisations, avec un objectif clair : replacer l’humain au centre de la performance durable.
Alors on a appelé celles et ceux qui nous inspirent pour construire une journée pour se former, partager nos expériences et réfléchir ensemble sur les grands enjeux à venir.
DES HISTOIRES D’IMPACTS INSPIRANTES
Marianne Guyader de Groix et Nature et Erwan Le Méné d’Ecotree ont ouvert cette journée pour nous partager leur témoignage. Chacun d’eux, par son engagement, démontre qu’il est possible d’allier performance économique et responsabilité sociale et environnementale.
ECOTREE PAR ERWAN LE MÉNÉ
Une autre vision possible de l’entreprise
Un parcours révélateur des paradoxes entrepreneuriaux
Le parcours d’Erwan Le Méné est particulièrement éclairant. Pendant huit années passées dans les fusions-acquisitions au Crédit Mutuel Arkéa, il a été témoin direct d’un paradoxe saisissant : alors que les dirigeants d’entreprise sont personnellement sensibilisés aux enjeux environnementaux, ils se trouvent souvent démunis face aux exigences de rentabilité imposées par leurs actionnaires. Cette tension entre conviction personnelle et impératifs financiers révèle une problématique profonde du monde entrepreneurial actuel.
La naissance d’Ecotree : repenser l’impact environnemental à l’échelle locale
Face au constat que les entreprises se tournaient vers des crédits carbone mondiaux, souvent déconnectés des réalités territoriales, Ecotree a développé une approche novatrice et propose une contribution environnementale locale et incarnée, permettant aux entreprises de contrebalancer concrètement leur impact. Les résultats sont impressionnants : 1800 hectares de forêts gérées, 3000 hectares de particuliers accompagnés, et un million d’arbres plantés.
L’urgence d’agir face aux bouleversements climatiques
L’intervention a mis en lumière des exemples concrets des défis à venir. La situation de Valence ou celle de l’Espagne, où 20% des terres agricoles risquent de devenir improductives suite à des canicules successives, illustre l’urgence d’agir. Le message est clair : restaurer le capital naturel aujourd’hui (1000€/hectare) est bien moins coûteux que de tenter de régénérer des terres devenues désertiques demain (10000€/hectare).
Les trois capitaux essentiels d’une entreprise responsable
Pour Erwan Le Méné,
« la responsabilité des entreprises va faire les nouveaux champions de demain. »
Sa vision repose sur trois piliers fondamentaux qu’il considère comme indissociables :
- Le capital financier
- Le capital humain
- Le capital naturel
« Une entreprise qui a de l’impact met ces trois capitaux sur un pied d’égalité »,
explique-t-il. L’impossibilité de générer un profit durable en négligeant soit les collaborateurs, soit l’environnement « On ne peut pas faire du profit en payant mal ses collaborateurs et en nuisant au climat. »
Une vision optimiste pour l’avenir
Malgré le contexte économique actuel parfois morose, Erwan Le Méné reste résolument optimiste. Il souligne que les périodes de ralentissement sont propices aux investissements stratégiques et à la transformation. Sa conviction profonde est que les entreprises plaçant la RSE au cœur de leur stratégie seront les champions de demain.
L’engagement des jeunes générations sur les questions environnementales et l’importance croissante du capital humain dans la création de valeur viennent conforter cette vision. L’expérience d’Ecotree démontre qu’il est possible de développer une entreprise rentable tout en maintenant des engagements RSE forts.
GROIX ET NATURE par MARIANNE GUYADER
« C’est en travaillant tous ensemble, main dans la main, qu’on va réussir à faire bouger les lignes. »
L’impact territorial et l’engagement local pour faire vivre le territoire
“Mon île est en train de crever”,
ces mots, prononcés par le maire de l’île de Groix lors d’une rencontre avec le père de Marianne Guyader, allaient donner naissance à une aventure entrepreneuriale extraordinaire. Aujourd’hui, 25 ans plus tard et 19 emplois directs créés sur l’île, Groix & Nature incarne un modèle d’entreprise régénérative qui prouve qu’innovation et ancrage territorial peuvent aller de pair. L’entreprise a insufflé une nouvelle vie à l’île de Groix : des familles qui restent, des écoles qui se maintiennent, une économie qui se développe. C’est tout un écosystème qui reprend vie.
L’artisanat comme pilier de l’excellence
Dans un monde où la vitesse est souvent synonyme de progrès, Groix & Nature fait le choix audacieux de prendre le temps. L’entreprise place la main de l’homme au cœur de sa production, alliant la rigueur d’un industriel à la précision de l’artisanat. Cette approche se manifeste notamment dans leur politique de production saisonnière : plutôt que de céder à la tentation de la disponibilité permanente, l’entreprise assume les ruptures de stock lorsque les produits ne sont pas de saison.
L’intégrité comme boussole
La transparence n’est pas qu’un mot pour Groix & Nature. L’atelier de production dispose d’un couloir de visite toujours ouvert, permettant à chacun de constater que la production est bien réalisée sur l’île. Cette démarche de transparence totale s’accompagne d’une politique de vérité absolue : l’entreprise n’hésite pas à dire « non » quand les conditions ne sont pas réunies, préférant la fierté du travail bien fait aux compromis faciles.
Une approche commerciale cohérente
Les comptoirs insulaires de Groix & Nature ne sont pas de simples points de vente. Ils sont conçus comme des ambassades de l’île, où chaque membre de l’équipe, jusqu’aux cuisiniers, est formé sur place pour comprendre et transmettre les valeurs de l’entreprise. Cette approche s’étend au-delà des produits Groix & Nature, avec la promotion d’autres produits locaux comme les savons et les bières de l’île, renforçant ainsi tout l’écosystème insulaire.
Une entreprise régénérative avant l’heure
Avant même que le concept de RSE ne se démocratise, Groix & Nature avait déjà adopté une approche régénérative de son activité. Sa participation à la Convention des Entreprises pour le Climat a confirmé sa vision d’une entreprise régénérative, créant un cercle vertueux avec son environnement. Cette philosophie se traduit par des actions concrètes :
- Une économie d’eau de 30%, avec un objectif de 50%
- Le développement de gammes végétales pour diversifier l’activité, reconnaissant qu’une île, c’est aussi la terre
- Assumer les ruptures de stock : toutes les matières premières ne sont pas disponibles toute l’année, il existe des saisons
- La valorisation des producteurs locaux : l’utilisation de piment local plutôt que du piment d’Espelette
- La valorisation de l’écosystème breton dans son ensemble
L’humain au cœur de la transformation
« Il faut réenchanter les entreprises, »
déclare Marianne Guyader. Cette conviction se traduit par des actions concrètes comme l’organisation d’une fresque de l’océan mobilisant la moitié des employés, ou la participation au Duoday pour intégrer des travailleurs en situation de handicap.
La force de Groix & Nature réside dans sa capacité à créer un environnement où chaque collaborateur peut contribuer avec ses idées et son énergie. L’entreprise cultive un mode de réflexion ouvert au brainstorming, où les désaccords sont vus comme des opportunités d’évolution plutôt que comme des obstacles.
Un modèle pour l’avenir
« C’est en travaillant tous ensemble, main dans la main, qu’on va réussir à faire bouger les lignes. »
Cette conviction de Marianne Guyader résume parfaitement l’esprit de Groix & Nature. L’entreprise démontre qu’il est possible de créer un modèle économique performant tout en ayant un impact positif sur son territoire. Elle prouve que l’entrepreneuriat peut être une force de transformation sociale et environnementale, à condition de garder l’humain au cœur de ses préoccupations.
Dans un monde en quête de sens et de modèles économiques plus durables, l’histoire de Groix & Nature nous rappelle que la performance d’une entreprise se mesure aussi à sa capacité à régénérer et faire vivre son territoire.
L’humain, moteur du changement
À travers ces témoignages, une conviction se dessine : l’humain est le levier essentiel de la performance durable. Qu’il s’agisse de valoriser des savoir-faire, de promouvoir des modèles coopératifs ou d’investir dans des actions locales et responsables, ces entrepreneurs prouvent qu’un autre modèle est non seulement possible, mais déjà en marche.
Les échanges de la journée ont souligné l’importance du collectif et de la coopération pour faire bouger les lignes. Comme l’a si bien exprimé un participant : « C’est en travaillant main dans la main que nous transformerons nos organisations. »
